Immersion du vin en mer
Plusieurs viticulteurs ont tenté l’aventure en s’appuyant sur l’expérience de spécialistes de la mer. L’objectif est d’étudier l’évolution des vins en fonction des conditions proposées par l’immersion maritime. En effet, la lumière, les rayons du soleil, la profondeur et la force de l’eau ont un impact direct sur le goût du vin. Toutes ces conditions sont diamétralement opposées entre une conservation classique en cave et une conservation en totale immersion sous la mer.
L’immersion peut aller de 6 à 12 mois selon le type de vin et le résultat attendu. Mais la conservation étant essentielle dans la transformation d’un vin, il n’y a pas vraiment de règle. Il est donc possible de garder une bouteille sous l’eau 5 ou 10 ans.
Blanc des Cabanes: le pionnier
Dés 2009, le jeune caviste Franck Labeyrie a voulu se différencier des autres producteurs de vin en mettant en avant la particularité de la conservation du vin. Ainsi, il s’est associé avec un ostréiculteur pour la mise en place de projet. Il est en effet indispensable de s’appuyer sur les compétences d’un professionnel de la mer pour exploiter au mieux les vertus de la conservation sous l’eau. La vinification agricole ne se limite pas à laisser le vin et à revenir X années après. Le vin immergé doit faire l’objet d’un contrôle régulier pour optimiser au maximum les conditions d’immersion.
Le vin « Blanc des Cabanes » est désormais commercialisé auprès des particuliers et des professionnels. Ce viticulteur est égalment à l’origine de l’ambitieux projet :« Vin mille lieux sous les mers ». Il s’agit d’immerger pendant 10 ans les mêmes bouteilles. Pour mettre sur pied ce projet, il s’est associé à la société Jifmar ayant pour coeur de métier les services maritimes. Dans ce projet, le viticulteur va bien entendu entreposer ses bouteilles mais également celles de ces partenaires. Il s’imagine bien convaincre des producteurs de cognac ou de rhum de rejoindre l’aventure et goûter à ce procédé. Des robots se rendront sur place pour extraire des prélèvements pour assurer les dégustations tout au long de l’immersion. Le procédé perd certes de son aspect naturel avec cette robotisation, mais il s’agit là d’acquérir l’expérience qui permettra d’étendre ce procédé de conservation à tous les vins et spiritueux.
Les vins immergés au banc d’essai
Au delà du « Blanc des Cabanes » qui est une réelle réussite, les expériences se multiplient. L’exemple de Laurent Meynadier, dans le sud de la France, nous montre là aussi que l’on peut exploiter les ressources naturelles au lieu de créer des conditions artificielles, pour arriver au même si ce n’est à un meilleur résultat. Un vigneron de l’Aude a également tenté cette expérience en immergeant ses bouteilles pendant 2 ans. Après plusieurs tentatives avortées, il a désormais trouvé la profondeur et la température qui correspondent à ses vins.
Les vins sont goûtés avant et après l’immersion. Le fait d’être privés d’oxygène et de soleil a un véritable effet « rajeunissant » sur les vins rosés et blancs. La robe est également modifiée, par l’immersion maritime. Par contre, les vins rouges n’ont pas encore obtenu cet effet, il faudrait donc avoir davantage de recul pour pouvoir se prononcer sur les effets de la mer sur le vin rouge. Nul de doute que de prochaines expériences vont avoir lieu à ce sujet. C’est d’ailleurs ce qui rend cette aventure si fascinante. Le viticulteur peut prévoir les réactions de la nature mais pas les maîtriser. Ainsi, la température ou la force de l’eau permettront de donner un goût unique au prochain millésime immergé.
Le dernier facteur, et pas des moindres, à ne pas négliger dans une telle expérience est le contenant dans lequel le breuvage va être immergé. Chaque viticulteur a sa méthode: la bouteille dans l’eau, la bouteille dans un filet ou dans un barrique spéciale selon l’effet attendu et le lieu d’immersion (mer, océan). Finalement, le dernier élement impactant la conservation sera le bouchon. Le bon vieux bouchon en liège ne se conservera pas ou pas bien en mer. Les bouchons synthétiques sont donc préférés au liège car plus hermétiques et résistants.
Les bulles bénéficient également des vertus de l’immersion. Le champagne gagne en finesse une fois sorti de l’eau. Cela fait d’ailleurs 10 ans que Yannick Eudes, caviste de Saint Malo renouvelle l’expérience. Il immerge du vin et du champagne et goûte à chaque fois avec les mêmes émotions les deux breuvages. Lui aussi s’est entouré de spécialistes de la mer de façon à bénéficier de leur expertise. Là aussi, il s’agit d’un véritable procédé géologique pour ne pas dire physique où chaque paramètre environnemental compte.
Le vin : marché de niche en croissance
Etant donné l’intérêt grandissant pour cette technique innovante et naturelle, il est indéniable que ce marché va se développer. Le marché vinicole est en difficulté depuis plusieurs années et cette technique permet de communiquer sur le vin et ses évolutions de conservation. C’est donc une véritable opportunité à saisir pour créer une nouvelle tendance vinicole. De plus, le partenariat entre viticulteurs et métiers de la mer semble incontournable. De quoi redonner des perspectives à ces deux nobles métiers avec des méthodes naturelles et durables.